À la découverte de “un petit caillou” : L’histoire des hommes, racontée par Suzanne Citron

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La BnF accueille tous les ans des chercheurs associés qui conduisent un travail au plus près de ses collections. Letizia Goretti évoque un ouvrage de Suzanne Citron sur laquelle elle mène son projet de recherche intitulé Déconstruire pour reconstruire : la pensée et l’engagement dans l’apprentissage (et pas seulement) de Suzanne Citron, mené à la Bibliothèque de l’Arsenal.

Documents préparatoires de Suzanne Citron.
Paperwork préparatoires de Suzanne Citron. Phot. L. Goretti

L’histoire des hommes est un livre écrit par Suzanne Citron à l’consideration d’un public jeune. « Dans les confrontations idéologiques et historiographiques présentes et à venir et pour l’indispensable débat sur l’éducation nationale, il [ce livre] se veut petit caillou sur le lengthy chemin du changement », écrira Citron dans sa préface créée advert hoc pour en expliquer la mise en ligne sur le blog du collectif Aggiornamento histoire-géographie1.

L’histoire des hommes a été publié en 1996 par Syros Jeunesse, puis a connu une deuxième édition en 1999. Après diverses vicissitudes de la maison d’édition, Suzanne Citron a récupéré les droits et a décidé de mettre le livre en ligne « à disposition et à copy, comme exemple d’une mise en perspective globale en langage simple de l’aventure humaine »2.

Avant de retrouver dans les archives les papiers et les matériels utilisés, ce “petit caillou” avait déjà attiré mon attention, après avoir écouté un podcast consacré à L’histoire des hommes sur France Tradition3.

Documents préparatoires de Suzanne Citron.
Documents préparatoires de Suzanne Citron. Phot. L. Goretti

Citron suggest un autre regard sur l’histoire, mais surtout elle déconstruit le conte romancé du Petit Lavisse, ouvrage de la Troisième République écrit par l’historien Ernest Lavisse et qui fut longtemps la base des manuels scolaires, un ouvrage de diffusion du sacrifice et du culte des héros pour la patrie, et au-delà. Elle cherche à apporter sa contribution à une rupture avec la manière obsolète d’écrire et de concevoir l’histoire, dans sa « configuration lavissienne », en remettant en question une histoire trop centralisée et qui présente les guerres comme «& bonnes& » ou «& mauvaises& », les utilise pour justifier la development des nations, and so on.

Documents préparatoires de Suzanne Citron.
Documents préparatoires de Suzanne Citron. Phot. L. Goretti

Citron utilise une écriture easy et compréhensible pour les plus jeunes, mais à la fois directe et intense, à la fois dure comme l’histoire même, sans chercher à “embellir” le récit, et en se positionnant sur un angle géographique giant : elle ne se focalise pas uniquement sur la France et l’Europe, son regard est mondial. Dans son travail, elle retrace l’histoire et la réécrit pour donner aux jeunes les outils pour qu’ils puissent réfléchir sur celle-ci, comme un sujet-objet, mais aussi sur un plan éthique.

En écoutant le podcast, quand j’ai entendu Citron parler de « déconstruction » et des « traces écrites ou pas », deux modèles d’interprétation me sont venus à l’esprit.

Le médecin italien Giovanni Morelli4 (1816-1891) avait conçu un modèle d’attribution pour les peintures anciennes. La révolution qu’il a apportée dans la méthode d’attribution, à l’époque, a été l’utilisation d’une method de « dissociation visuelle »5, c’est-à-dire que pour reconnaître vraiment la essential d’un artiste il ne faut pas regarder l’ensemble du tableau, le type ou les éléments les plus reconnaissables, automotive le faussaire se concentre également sur ces éléments, mais il faut réfléchir à des traits secondaires, des petits détails sur lesquels personne, ou presque, ne s’arrête : la taille des mains et des pieds, le lobe d’une oreille, la forme d’un ongle, pour n’en nommer que quelques-uns. Ce sont toutes des caractéristiques sur lesquelles ni le maître ni l’imitateur n’ont mis leur attention à les faire : ce sont des gestes spontanés, de petits détails qui échappent à la volonté de l’exécuteur, et ce sont précisément « ces vétilles caractéristiques par lesquelles un artiste se trahit, de même qu’un criminel pourrait être repéré à une empreinte digitale »6. La méthode de Morelli est une méthode d’interprétation basée sur les déchets et sur des données marginales qui sont considérés comme des éléments révélateurs. C’est à travers trois auteurs, Giovanni Morelli, Sigmund Freud et Arthur Conan Doyle – et leur travail –, que l’historien Carlo Ginzburg formule le concept de « paradigma indiziario » (paradigme indiciaire), c’est-à-dire la capacité de reconstruire et d’interpréter ce qui s’est passé à l’aide des détails, des données marginales et des indices révélateurs, et qui permet à la pensée de conquérir une nouvelle lisibilité du monde7.

Cette petite digression nous permet d’aborder l’œuvre de Suzanne Citron d’un level de vue plus giant ; elle a utilisé non seulement une méthode de «& déconstruction& » de l’histoire, mais aussi des traces et des indices insolites (le paradigme indiciaire), pour finalement en rassembler les fragments et en donner de nouvelles views, et un nouveau level de vue sur son enseignement : il ne s’agit pas seulement de dépasser l’ancien modèle d’enseignement, mais aussi de donner aux enfants les outils de base pour développer leur pensée critique.

Documents préparatoires de Suzanne Citron.
Documents préparatoires de Suzanne Citron. Phot. L. Goretti

Le processus de reconstruction historique qu’utilise Citron peut être divisé en deux grandes sections : la « déconstruction » et l’utilisation des « traces ». La méthode de la « déconstruction » apporte un progrès, automotive on va déconstruire quelque selected qui existe. On va le décomposer pour ensuite réassembler les pièces, avec aussi de nouveaux éléments, et ensuite reconstruire quelque chose d’unique : dans le cas précis de Suzanne Citron, une nouvelle façon de concevoir et d’appréhender l’histoire. À cela, il faut ajouter l’utilisation des traces pour enquêter et découvrir quelque chose qui n’est pas immédiatement évident : ces déchets et des données marginales amènent à découvrir et mettre en évidence les différences. La trace est un signe, qui peut être visible, lisible ou oral, qui nous donne des indications sur quelque selected qui s’est passé. La trace, même si elle fait partie du passé, est une présence où le savoir et l’instinct s’installent. Suzanne Citron a utilisé l’instinct et a joué avec l’histoire, au sens sérieux du jeu, automotive le jeu est une ouverture sur le monde et une compréhension de celui-ci et de l’humanité8.

Documents préparatoires de Suzanne Citron.
Documents préparatoires de Suzanne Citron. Phot. L. Goretti

Notes

  1. Plateforme de débats et de réflexions sur l’enseignement de l’histoire et de la géographie de l’école Primaire jusqu’à l’Université, co-fondé par Suzanne Citron en 2011 https://aggiornamento.hypotheses.org/qui-sommes-nous (12 octobre 2022).
  2. Toutes les citations jusqu’ici se trouvent dans la préface du livre L’histoire des hommes, racontée par Suzanne Citron en format pdf et en ligne sur le blog du collectif Aggiornamento. Le fichier du livre est téléchargeable sur le même blog : https://aggiornamento.hypotheses.org/573 (12 octobre 2022).
  3. « L’histoire des hommes” selon Suzanne Citron : “J’ai proposé un regard qui n’a rien à voir avec celui du Petit Lavisse », Les Nuits de France Tradition, 1996. Disponible sur Web, url : <https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/l-histoire-des-hommes-selon-suzanne-citron-j-ai-propose-un-regard-qui-n-a-rien-a-voir-avec-celui-du-petit-lavisse-4707790> (12 octobre 2022).
  4. Giovanni Morelli, médecin véronais qui n’a jamais exercé sa career de médecin parce que l’art et la politique ont rempli sa vie, comme Edgar Wind nous l’explique.
  5. Ibid., p. 61.
  6. Ibid., p. 66-67.
  7. Voir Ginzburg Carlo, « « Signes, traces, pistes » Racines d’un paradigme de l’indice », Le Débat, 1980/6 n° 6, p. 3-44. DOI : 10.3917/deba.006.0003
  8. Fink Eugen, Le Jeu comme symbole du monde, Les éditions de Minuit, Paris, 1966.

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