La Bibliothèque du roi vue en 1787

Bibliotheques Paris

Bibliotheques / Bibliotheques Paris 364 Views comments

Si l’avocat parisien Luc-Vincent Thiéry de Sainte-Colombe, né à Paris le 27 septembre 1734 et mort à Soissons le 12 janvier 1822, a laissé son nom auprès des historiens d’art pour ses dessins1, il est principalement connu pour ses guides de Paris, dont le premier Almanach du voyageur à Paris paraît en 17812.

Dès cette première édition, la Bibliothèque du roi est évoquée :

Almanach du voyageur à Paris , et dans les lieux les plus remarquables du royaume, Paris : Hardouin, 1781, p. 37, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102836h/f45.item

Cette sommaire description liminaire, n’aura de cesse d’être développée au gré des éditions successives de son ouvrage. Nous en voulons pour preuve, celle que nous transcrivons ci-après, challenge de son Information des amateurs et des étrangers voyageurs a Paris, ou Description raisonnée de cette ville, de sa banlieue, & de tout ce qu’elles contiennent de remarquable : par M. Thiéry ; enrichie de vues views des principaux monumens modernes, paru en 2 volumes illustrés en 17873.

Information des amateurs et des étrangers voyageurs a Paris, Paris : Hardouin & Gattey, 1787.
Web page de titre

Les pages du premier tome, consacrées à la Bibliothèque du roi, restent encore, pour certains objets, tout à fait exploitables en 2022 alors que la Bibliothèque nationale de France inaugure un nouveau& musée sur son website Richelieu rénové, où certaines pièces décrites sont présentées. Dans son Avertissement, l’auteur précise qu’il a fait appel aux conservateurs de la Bibliothèque pour rédiger sa description (p. X) : « Nous avons reçu tous les ſecours poſſibles de la part des Savans à qui ſont confiés les cinq Départemens qui compoſent la& Bibliothèque& du Roi ; ils ont bien voulu nous aider de leurs lumières pour nous mettre en état de parler avec certitude de ſon origine, de ſes accroiſſemens & des objets capitaux qui forment les richeſſes de ce Dépôt précieux. ». Aussi, nous pouvons légitimement estimer que les noms des gardes mentionnés en tête de chaque département décrit sont les co-auteurs du texte pour la partie qui leur revient.

La transcription qui go well with de ces pages 193-212 reproduit la graphie originale avec ses « s » longs (ſ), esperluettes (&), et orthographe de l’époque. Les coquilles de l’édition sont mentionnées par : [sic]. Les notes de bas de page sont celles du doc. Nos notes sont introduites par des crochets carrés ([Note]). Les photographs furent ajoutées par nos soins.


Bibliotheque du Roi.

Cette Bibliotheque peut regarder Charles V dit le Sage4 comme ſon Fondateur.
Avant ce Prince, celles de nos Rois ne conſiſtoient que dans les livres néceſſaires à leur uſage particulier, & dont ils diſpoſoient à leur gré5.
Le Mémoire hiſtorique6 que l’on trouve à la tête du premier volume du Catalogue des livres de Ia Bibliotheque actuelle nous apprend que celle du Roi Jean n’étoit compoſée que de ſix volumes de Sciences & d’Hiſtoire, & de trois ou quatre volumes de dévotion.
Charles V7, ſon ſucceſſeur & ſon fils, s’étant déclaré le protecteur des Sciences & des Savans qui les cultivoient, on lui offrit des livres de toutes elements : il fit copier ceux qu’il jugeoit les plus utiles, & la assortment raſſemblée par ſes ſoins fut placée dans une tour du Louvre, que l’on nomma tour de la Librairie. Elle étoit déja compoſée de neuf cents dix volumes8 lorſque Gilles Mallet en match l’inventaire en 13739.
Les Anglois devenus maîtres de Paris ſur la fin du règne de Charles VI, cette collection fut achetée 1200 liv. par le Duc de Betfort10, fut tranſportée en Angleterre.
L’art de l’Imprimerie découvert en AIlemagne, Jean Guttemberg, Jean Fauſt & Pierre Schaffer11 parvinrent, par la réunion de leurs talens, à imprimer des Ouvrages entiers vers l’an 1450.
Charles VII qui avoit ſon Royaume à reconquérir ſur les Anglois, ne put profiter de cette découverte, il ſe contenta des livres que lui dédièrent quelques Auteurs de ſon tems. Le règne de Louis XI12 ſon fils, plus tranquille, lui allow de s’occuper du ſoin de raſſembler les livres de ſon père, & de compoſer une Bibliotheque à l’aide des ſecours qui lui fournirent l’Imprimerie & les livres amaſſés par Charles de France13 ſon frère.
Les conquêtes de Charles VIII14 en Italie & à Naples lui procurèrent nombre de livres précieux15, dont il enrichit ſa Bibliothèque.
Louis XII16, fils de Charles, Duc d’Orléans, ayant trouvé à Blois un commencement de Bibliothèque formée en partie de livres que Charles & Jean, Comtes d’Angoulême17, Princes de ſa Maison, avoient acquis en Angleterre pendant les vingt-cinq années de leur détention, y match tranſporter tout ce qu’il trouva dans la Tour de la Librairie18. La Bibliothèque de Blois augmentée enſuite de celle des Viſconti & des Sforce19, de Pétrarque20, & de Louis de la Gruthuſe21, avoit déjà acquis de la célébrité lorſque François Premier, restaurateur des Sciences, des Belles-Lettres & des Arts, la fit tranſporter à Fontainebleau pour l’incorporer à celle qu’il venoit d’y former, dont Guillaume Budé fut Bibliothécaire22.
L’Imprimerie, quoiqu’encore dans l’enfance, faiſoit déjà des progrès rapides. Henri II, conſeillé par Raoul Spifame23, Avocat, ordonna en 1556 aux Libraires, de fournir un exemplaire en vélin & relié de chaque livre dont on leur accordoit le privilège, & tous ces livres étoient portés à Fontainebleau.
Henri IV match venir cette Bibliothèque à Paris en 1599, l’augmenta de celle de Catherine de Médicis24, & la match placer dans une des Salles du Collège de Clermont, alors vacant par l’expulſion des Jéſuites ; mais ces Religieux, rappelés en 1604, on la transféra aux Cordeliers, puis rue de la Harpe, dans une maiſon qui leur appartenoit.
Malgré les augmentations qu’y fit Louis XIII, elle ne pouvoit encore être comparée au commencement du règne de Louis XIV aux Bibliothèques de quelques particuliers de nos jours.
La maiſon de la rue de la Harpe, devenue inſuffiſante, Louis XIV conçut le projet de faire venir le Louvre, & d’y placer magnifiquement ſa Bibliothèque ; les acquiſitions journalières de ce Prince ne permettant plus d’attendre que ces bâtimens fuſſent terminés, Colbert obtint du Roi la permiſſion de la faire tranſporter dans ſon hôtel, rue Vivienne.
M. de Louvois ayant inſpiré à ce Prince, quelques années après, l’idée d’acquérir l’hôtel de Vendôme25 & les terrains voiſins pour en former une place immenſe & ſuperbe, qui en embelliſſant ce quartier, devoit faciliter la communication des rues neuve des Petits Champs & Saint-Honoré, & fournir les moyens d’y loger des Monnoies. Ce vaſte & magnifique projet, dont on commença ſur-le-champ les travaux, fut abandonné à la mort de ce Miniſtre, & la Bibliothèque26 reſta à l’hôtel Colbert, rue Vivienne, juſqu’en 1721, qu’elle fut placée, par les ſoins de M. l’Abbé Bignon, lors Bibliothécaire, rue de Richelieu, à l’hôtel de Nevers27, acquis pendant la régence pour y mettre la Banque28.
Enrichie ſous les règnes de Louis XV & de Louis XVI plus que ſous tous leurs prédéceſſeurs, les bâtimens immenſes de l’hôtel de la Bibliothèque ; ſuffiſent à peine aujourd’hui pour contenir ce qu’elle renferme.
M. le Noir, Conſeiller d’Etat, ancien Lieutenant général de Police, Bibliothécaire29.
Le nom ſeul de ce Magiſtrat reſpectable ſuffit à ſon éloge : ſon amour pour le bien public & la ſûreté des citoyens s’eſt aſſez manifeſté pour mériter notre reconnaiſſance. Toujours attentif à ſaiſir les moyens qui peuvent contribuer à la gloire de ſon Prince & de la Patrie, il porte aujourd’hui toute ſon activité à donner le plus de ſplendeur poſſible au précieux dépôt qui lu eſt confié pour l’avantage & le progrès des Sciences.
Cette Bibliothèque eſt compoſée des cinq départements ſuivans, confiés chacun à la garde de Savans du premier mérite.

Cabinet des Médailles.

M. l’Abbé Barthélemy30, de l’Académie des Inſcriptions & Belles-Lettres, des Académies de Londres, de Madrid, de Cortone, de Pezaro, & de Heſſe-Caſſel, Garde des Médailles & Antiques.
M. l’Abbé Barthélemy de Courçay, Adjoint31.
Ce département compoſé de Médailles & d’Antiques, forme une des principales curioſités de la Bibliothèque.
François premier, Henri II & Charles IX paroiſſent être les premiers de nos Rois qui aient ſongé à faire des collections en ce style : mais les troubles qui ont agité la France ſur la fin du règne de ce dernier, détruiſirent ce que lui & ſes prédéceſſeurs avoient eu tant de peine à recueillir. Henri IV eut auſſi le projet de faire une assortment de Médailles, que ſa mort prématurée l’empêcha de réaliſer.
Il étoit réſervé à Louis XIV de former & d’exécuter de deſſein. Il match à cet effet réunir au Louvre toutes les Médailles & Antiquités éparſes dans les Maiſons Royales. Cette collection augmentée de celle dont J. B. Gaſton d’Orléans match don au Monarque ſon neveu, & par les acquiſitions conſidérables que match faire Colbert pendant ſon miniſtère, devint bientôt une des plus précieuſes de l’Europe.
Pluſieurs Savans32 envoyés par ordre du Roi, tant dans l’Italie & la Sicile que dans la Grèce, le Levant, l’Egypte & la Perse, concoururent par leurs connoiſſances & leurs recherches à la ſplendeur de ce Cupboard.
M. de Louvois, ſucceſſeur de Colbert dans la charge de Surintendant des bâtiments du Roi, reçut ordre de faire transférer ce Cupboard à Verſailles, où il fut placé près de l’appartement de Sa Majeſté, & confié à la garde de M. Rainſant, ſavant Antiquaire33 : là, ce Monarque venoit preſque tous les matins admirer & étudier les précieux reſtes d’antiquités raſſemblés par ſes ordres, & voulant l’augmenter encore, il match écrire à tous ſes Ambaſſadeurs & Réſidens dans toutes les Cours, pour les engager à faire toutes les recherches poſſibles en ce style.
Enrichi ſucceſſivement par l’achat de différentes collections particulières, il fait aujourd’hui l’admiration de toutes l’Europe.
Rapport à Paris, il fut placé dans une ſalle contiguë à la Bibliothèque, qui eſt décorée des portraits en pied de Louis XIV34 & de Louis XV, copiés d’après Rigaud ; de quatre deſſus-de-portes, par Boucher ; & entre les croiſées, de ſix tableaux, dont trois de Natoire, & trois de Carlo-Vanloo.

Le cabinet des Médailles. Gravure publiée dans la Gazette des Beaux-Arts, 1861, tome 10, p. 81. Cote Estampes, Va-237 (7) FOL. Coll. et cliché BnF
Le salon Louis XV après rénovation © Jean-Christophe Ballot / BnF / Oppic
Clio, muse de l’Histoire, par François Boucher, BnF – département des Monnaies, médailles et antiques

Au milieu de ce ſuperbe Cupboard eſt un grand bureau très-orné35, aux extrémités duquel ſont placés deux magnifiques commodes à deſſus de marbre, deſtinées à renfermer des médailles.

L’on conſerve dans les tiroirs du bureau les précieux reſtes du tombeau de Childéric, père de Clovis, découvert à Tournai en 1653, par des ouvriers qui travailloient à la réparation de l’Eglise de S. Brice.
Les raretés de cet ancien monument ſont un globe de cryſtal, & pluſieurs pièces curieuſes en or, telles qu’une tête de bœuf, un ſtyle, des agraffes & des attaches, ainſi que des abeilles d’or, dont les aîles ſont émaillées, des médailles d’or de pluſieurs Empereurs : enfin pluſieurs anneaux de fin or, ſur l’un deſquels eſt un cachet repréſentant un Prince aſſez jeune, ſans barbe, avec des cheveux flottans ſur les épaules, & un javelot en fundamental, avec cette inſcription autour, Childerici Regis, une hache ou franciſque, une épée dont le pommeau & la garniture du fourreau ſont d’or36.

[Anneau sigillaire de Childéric : fac similé], https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55009975b/

Parmi les autres raretés conſervées dans les tiroirs de ce Bureau, on remarque un vaſse d’or en forme de ſoucoupe, trouvé à Rennes en 1774 dans des fouilles, & dont le Chapitre de cette Ville match hommage au Roi : il eſt orné de deux bas-reliefs, dont l’un repréſente le repos d’Hercule, & l’autre une Bacchanale.

Le deſſus de ce bureau eſt orné d’un ſuperbe vaſse d’un ſeul morceau d’ivoire, ſur lequel eſt repréſenté en bas-relief un fight entre les Turcs & les Polonois. Ce vaſe dont le pied & le haut ſont de vermeil, porte dix-huit pouces de haut ſur ſix de giant : il eſt auſſi enrichi de rubis & d’émeraudes.


La collection immenſe des médailles37 eſt diviſée en deux claſſes principales, l’vintage & la moderne.

La première comprend celles des Rois, des Villes grecques, celles des Familles romaines & des Empereurs.
La moderne contient les médailles frappées dans les différens Etats de l’Europe, les Monnoies qui ont cours dans tous les pays du monde, & les jetons.
On voit auſſi dans ce Cabinet deux Boucliers votifs deſtinés à être ſuſpendus dans les Temples.
Le premier de ces boucliers trouvé sans le Rhône en 1656 par des Pêcheurs d’Avignon, repréſente la continence des Scipion ; il eſt d’argent, parfaitement rond, porte vingt-ſix pouces de diametre, & pèſe quarante-deux marcs.

plat ; missorium, “Histoire d’Achille et de Briséis” (inv.56.344), https://medaillesetantiques.bnf.fr/ark:/12148/c33gbq5v0

Le deuxième fut trouvé en 1714 par un Fermier de la terre de Paſſage en Dauphiné, en faiſant ſes labours. Rond comme le précédent, ſon diametre eſt de vingt-ſept pouces, & ſon poids de quarante-trois marcs. Un lion ſous un palmier eſt placé au centre de ce bouclier, d’où partant des rayons qui viennent aboutir à la circonférence. La comparaiſon de cette gravure avec celle des médailles de Carthage, dont le lion & le palmier étoient le ſymbole, a fait préſumer à l’Académie que ce bouclier Pouvoit avoir appartenu à Annibal, & être une offrande faite par ce Pince, après ſon paſſage du Rhône, à la Déeſſe des Vocontiens, particulièrement honorée dans le Dauphiné.

plat ; missorium, “Plat au lion” (inv.56.349), https://medaillesetantiques.bnf.fr/ark:/12148/c33gbdnt7

Cupboard des Antiques.

Ce Cabinet, placé au-deſſus de celui des Médailles, renferme un très-grand nombre de figures, de buſtes, de vaſes, d’inſtrumens de ſacrifices, de marbres chargés d’inſcriptions, & de tous les monumens de cette eſpèce qu’on a pu raſſembler. Il a été en outre enrichi par feu M. le Comte de Caylus d’un grand nombre d’Antiquités égyptiennes, étruſques, grecques & romaines, que cet Newbie avoit raſſemblées avec beaucoup de ſoins & de peines38.

Dépôt des Manuſcrits.

Les Manuſcrits, Chartres [sic] & Cartulaires compoſent ce département confié à la garde de M. Béjot, de l’Académie des Inſcriptions & Belles-Lettres, Profeſſeur d’Eloquence latine au Collège Royal, & Cenſeur royal39.
Tous ces Manuſcrits ſont conſervés dans la grande & magnifique galerie40 nommée Mazarine, & dans cinq aurtes [sic] pièces qui la précèdent. Pluſieurs de ces pièces ſont ornées de peintures. On doit ſur tout faire consideration au plafond de la galerie Mazarine, peint à freſsque en 1651 par Romanelli41, qui y a repréſenté divers ſujets de la Fable, diſtribués dans divers compartimens bien entendus mêlés de médaillons en camayeux, ſoutenus par des figures & ornemens imitant le ſtuc. Ce plafond, d’un wonderful goût de deſſin, & vigoureuſement peint, conſerve encore toute ſa fraîcheur. Huit croiſées éclairent cette galerie. En face ſont des niches décorées de payſages peints par Grimaldi Bologneſe42, qui en a également orné les embraſures des croiſées.
Le dépôt précieux des Manuſcrits eſt diviſé par fonds43, & chaque fond porte le nom de celui qui en a fait la assortment.

Galerie Mazarin après rénovation © Jean-Christophe Poll / BnF

Les Manuſcrits en langues étrangères ſont dans l’ordre ſuivant : les hébreux, les ſyriaques, les ſamaritains, les cophtes, les éthiopiens, les arméniens, les arabes, les perſans, les turcs, les indiens, les ſiamois, les livres & manuſcrits chinois, les grecs, les latins & autres.
Le nombre de ces Manuſcrits dans les différentes langues ci-deſſus monte à plus de vingt-cinq mille volumes, parmi leſquels il s’en trouve un grand nombre d’une beauté & d’une rareté étonnante.
Les Manuſcrits françois italiens, allemands, anglois, eſpagnols & autres, ſont en auſſi grand nombre que ceux des langues étrangères.
Les différens fonds qui compoſent cette assortment immenſe & précieuſe ſont d’abord, l’ancien fonds du Roi, enſuite ceux de Dupuy44, de Béthune, de Brienne, de Gaignières, de Doat, de Dufourni, de Louvois, de la Mare, de Baluſe, de de Meſmes, de Colbert45, de Cangé, de Lancelot, de du Cange, de Sérilly, d’Huet, de Fontanieu, de Sautereau, &c. & les nouvelles acquiſitions.

Psautier de Charles le Chauve, Latin 1152, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b100271595#

Le nombre eſt actuellement ſi conſidérable, que malgré l’immenſité du local, on avoit été obligé de poſer des corps de tablettes dans le milieu de la grande galerie, qui en interrompoient l’ordonnance ; mais le Magiſtrat reſpectable que Sa Mageſté a nommé ſon Bibliothécaire, non content d’avoir procuré la tranquillité par ſa vigilance & ſes foins pendant qu’il a été chargé de la Police de cette Ville, a voulu mériter doublement de ſes concitoyens, & ajouter à leur jouiſſance, en faiſant accorder à ce département une pièce qui ſe trouve à l’extrémité de la galerie, où l’on vient de placer tout ce qui gênoit la circulation, & privoit le public du coup-d’œil de l’enſemble & de la beauté de cette pièce.

Dépôt des Livres imprimés.

M. l’Abbé Deſaunays, Cenſeur royal, de l’Académie de Heſſe-Caſſel, Garde46.
Un grand & magnifique eſcalier47 remarquable par la hardieſſe de ſa conſtruction & la beauté de ſa rampe de fer, conduit au dépôt des livres imprimés, qui ſe trouve au premier étage.
Ce département eſt contenu dans ſix grandes ſalles : des corps d’armoires d’une ſuperbe menuiſerie, diſtribués ſur les murs oppoſés aux croiſées, en occupent toute la hauteur qui ſe trouve diviſée par un balcon en ſaillie, dont la vouſſure, ſoutenue avec beaucoup d’artwork, règne horiſontalement dans toute l’étendue. Pluſieurs petits eſcaliers pratiqués derrière la boiſerie, mettent à portée de tous les Livres qui ſont dans la partie ſupérieure.
Dans la quatrième ſalle qui traverſe d’une aile à l’autre, ſe préſentent d’abord les buſtes en marbre ; l’un de Jérôme Bignon, & l’autre de l’Abbé Bignon, tous deux Bibliothécaires du Roi48.

Buste de Jérôme Bignon, Salon d’honneur du website Richelieu de la BnF © Olivier Jacquot
Buste de l’abbé Jean-Paul Bignon (1662-1743), Salon d’honneur du website Richelieu de la BnF © Olivier Jacquot

Au milieu eſt le monument de bronze élevé à la gloire de Louis-Ie-Grand, de la France & des Arts, par feu M. Titon du Tillet, ſous le titre de Parnaſſe François49. En face, entre les croiſées, ſont deux tableaux de M. Touzé, repréſentans des monumens projettés à la gloire de Louis XVI par M. l’Abbé de Luberfac50.

Le Parnasse français, peint par Nicolas de Largillière, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Le_Parnasse_fran%C3%A7ais.jpg

Dans la cinquième ſalle ſe trouvent deux globes de Coronelli, I’un céleſte & l’autre terreſtre. Vers le milieu de cette pièce à gauche, l’on entre dans le ſallon où ſe voient les deux fameux & incomparables globes de douze pieds de diamètre, compoſés à Veniſe par Vincent Coronelli, Frère Mineur, & préſentés à Louis XIV en 1683 par le Cardinal d’Eſtrées, qui les match faire exprès51. Ce Prince les match placer en 1704 dans les deux derniers pavillons du jardin de Marly. L’on peut aſſurer qu’il n’a rien été fait dans ce style d’auſſi conſidérable & rien d’auſſi parfait depuis que Butterfieldt a conſtruit les deux grands cercles de bronze de treize pieds de diamètre qui en ſont les horiſons & les méridiens52. De Marly ils furent apportés dans une ſalle du Louvre, d’où Louis XV les fit tirer pour en orner la Bibliothèque en 1722. L’on fit conſtruire en 1731 le ſallon53 où ils ſont placés, & où l’on communique, tant par la galerie des Livres que par le rez-de-chauſſée.

[Paris, Bibliothèque royale] Profil et couppe de la partie où sont mis les globes : [dessin], https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6937110k

Ce département déjà distinctive, & compoſé de plus de deux cents mille volumes, vient d’être encore enrichi par les Livres les plus curieux & les plus rares de la Bibliothèque de M. le Duc de la Valliere, & principalement de partie de l’ancien Théatre54, ce qui complette parfaitement cet objet à la Bibliothèque, où l’on trouve en outre une quantité prodigieuſe de pièces précieuſes ſur toutes les matières poſſibles, conſervées avec ſoin dans des porte-feuilles.
L’on y conſerve auſſi pluſieurs planches de l’Imprimerie en bois, appellée Imprimerie a planches fixes. Ces planches ſont antérieures aux caractères de métal & mobiles dont on fait uſage actuellement, & dont la découverte appartient à Schœffer55, qui en match uſage pour imprimer une Bible latine en 1450.
Les Livres ont été diviſés en cinq

Comments