Le Festival Psy de Lorquin, 40 ans de cinéma en psychiatrie. Analyse d’une rétrospective

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La BnF accueille tous les ans des chercheurs associés qui conduisent un travail au plus près de ses collections.& Juliette Naviaux, chercheuse associée au service vidéo évoque le projet qu’elle mène sur le Pageant Psy de Lorquin : pratiques et usages de l’image animée en psychiatrie.

Festival Psy de Lorquin  © Juliette Naviaux
Pageant Psy de Lorquin © Juliette Naviaux

Le Pageant Psy de Lorquin

Le Pageant Psy de Lorquin est un pageant de cinéma dédié aux movies sur la psychiatrie et la santé mentale. Il a été créé en 1977 par Alain Bouvarel, pédopsychiatre au Centre Hospitalier Spécialisé de Lorquin (Moselle), et son collègue Roger Camar. Chaque année, des documentaires, des courts-métrages de fiction et des movies réalisés avec des patients en psychiatrie lors d’ateliers vidéo sont présentés dans l’enceinte de l’hôpital psychiatrique de Lorquin devant un public de professionnels de la psychiatrie mais aussi d’usagers, de professionnels du cinéma et de cinéphiles mosellans. Au cours des années, le Pageant Psy s’est imposé comme un événement culturel majeur du monde de la santé mentale et les movies primés jouissent d’une reconnaissance au-delà de Lorquin. Alain Bouvarel, toujours directeur du pageant, a déposé à la Bibliothèque Nationale de France en 2020 une partie des films diffusés au Pageant Psy de Lorquin depuis les années 1980. Le fonds, constitué de près de 1800 supports actuellement en cours de numérisation, constitue une supply très riche pour étudier à la fois l’histoire de la prise en cost en psychiatrie et l’évolution des représentations audiovisuelles de la psychiatrie et de la santé mentale.

2022, une édition anniversaire

L’année 2022 marquait la 40e édition du Pageant Psy. À cette occasion, Alain Bouvarel et son associé Michael Spreng ont organisé une journée anniversaire. À l’situation des deux jours de projections de l’édition 2022, les festivaliers ont pu assister à une journée de rétrospective des movies primés au Pageant Psy depuis 1978. Afin de présenter le plus de films potential, Alain Bouvarel et Michael Spreng ont fait le choix de projeter majoritairement des extraits de certains movies choisis soigneusement par leurs soins. Seuls quelques films ont été projetés dans leur intégralité. En tout, 19 films ont été présentés et chaque extrait a mené à un second de discussion avec le public, composé en grande majorité de pédopsychiatres. Cette rétrospective presque chronologique est un panel de movies primés mais ne peut pas être considérée comme représentative des movies programmés au Pageant Psy depuis 40 ans. En effet, avec une moyenne de 150 films venus de tous horizons projetés par édition, le Pageant Psy est un point de rencontre d’une création audiovisuelle en psychiatrie extrêmement foisonnante et éclectique. Constituée d’un échantillon restreint et subjectif, la rétrospective conçue par A. Bouvarel et M. Spreng permet d’observer un sure nombre d’évolutions des formes audiovisuelles et des sujets traités mais ne permet pas, dans l’état actuel de la connaissance de l’ensemble du fonds complet du Pageant Psy, de tirer des généralités sur la création audiovisuelle en psychiatrie. On observe par ailleurs une ellipse d’une dizaine d’années dans cette rétrospective, entre 1984 et 1995, qui s’explique par les choix qu’Alain Bouvarel et Michael Spreng ont dû effectuer afin de couvrir toute& la période du pageant en une seule journée. Nous livrons ici une première analyse des grandes tendances observables dans cette rétrospective.

Une rétrospective en 19 movies

On observe tout d’abord dans cette sélection rétrospective une prédominance du cinéma documentaire. Sur 19 films sélectionnés, on ne compte qu’un court-métrage de fiction et deux movies d’ateliers vidéo. Au complete, 5 films ont été réalisés par des soignants, majoritairement dans les années 1980. Un seul movie a été réalisé par un affected person, diffusé lors de l’édition de 1980. On observe que des movies de professionnels du cinéma sont introduits rapidement dans la programmation du pageant de Lorquin, souvent réalisés en collaboration avec les équipes soignantes. Cette même tendance est observable à l’échelle de la rétrospective, témoignant d’une porosité entre le milieu du cinéma et les lieux d’accueil psychiatriques.

Le film-portrait, un genre prédominant

Des portraits de patients ne cessent d’être réalisés année après année. Des trajectoires individuelles sont relatées, privilégiant les témoignages et la vie quotidienne. En 1980 est présenté le film Cet homme derrière la vitre, autoportrait d’un affected person, Jacques Zelnio. Les patients sont encore peu incités à prendre la caméra et ce movie fait événement. Jacques Zelnio, handicapé psychological, y parle de sa famille, montre des photographies et livre ses pensées.

En 1982, un autre portrait de patient remporte une récompense, mais, cette fois, c’est une soignante qui tourne l’objectif de la caméra vers lui. Mara Pigeon, animatrice au Centre Antonin Artaud à Bruxelles, filme Victor Cordier, affected person en psychiatrie et artiste de talent. Elle réalise un movie au titre éponyme qui go well with son personnage mais discover aussi la relation patient-encadrant.

Les proches d’usagers s’emparent également de l’outil audiovisuel, comme en témoigne le film Les voix de ma sœur de Cécile Philippin, primé au Pageant Psy en 2012. Produit dans des circumstances professionnelles et réalisé par une cinéaste dont la sœur souffre de schizophrénie, Les voix de ma sœur est représentatif d’une tendance au film-portrait et au film-témoignage de proches souhaitant valoriser leur father or mother souffrant mais aussi témoigner de leur expérience en tant que famille d’usager.

De la représentation de l’establishment psychiatrique au sujet de société

Les movies présentés montrent souvent, dans les premières années, des institutions de soins psychiatriques. Du service décrépit au centre expérimental, les soignants et vidéastes s’engagent pour dénoncer des circumstances de soin ou, au contraire, promouvoir des pratiques options. Le premier movie présenté lors de cette rétrospective se nomme Une matinée à Janet II et a été primé en 1978, lors de la deuxième édition du pageant. Le movie avait été réalisé en secret tôt le matin par un groupe d’infirmières et le mari d’une d’entre elles, dans un pavillon pour démentes séniles et arriérées profondes – selon la terminologie utilisée à l’époque. Sans paroles, uniquement sonorisé musicalement, le film, qui dure 80 minutes, est composé de courtes séquences durant lesquelles les infirmières réveillent puis procèdent à la toilette de femmes lourdement handicapées et hospitalisées dans de très mauvaises circumstances d’hygiène. Quand il est présenté à Lorquin en 1978, ce movie provoque un choc parmi l’help. Le but militant des infirmières de ce service est atteint : dénoncer les circumstances de soins des patientes et leurs circumstances de travail à elles.

Le film Des grilles dans la tête, primé en 1983, est réalisé par le réalisateur Guy Lejeune à la Deviniène, centre de psychothérapie institutionnelle situé en Belgique. Loin des providers fermés aux circumstances misérables, le film donne à voir une autre expérience de prise en charge d’enfants psychotiques. Chacun est libre de vivre à son rythme, d’expérimenter, de se faire sa place au sein d’un lieu hors du monde où l’épanouissement est attainable.

Au-delà de cette exploration de l’establishment psychiatrique et de la vie en collectivité, le Pageant Psy de Lorquin aborde la psychiatrie dans un sens très giant. Des films sur des sujets tels que l’inceste ou la délinquance juvénile côtoient des movies traitant strictement de la psychiatrie. Le crime quotidien, primé en 1997, fait partie de ces films abordant des sujets de société qui touchent un giant public. Nina Toussaint, réalisatrice professionnelle, y filme Zoé, victime de maltraitance et d’inceste de la part de son père pendant 18 ans. Les faits sont désormais prescrits et Zoé revient sur les lieux, se remémore et raconte des crimes qui ne seront jamais punis.

Cette rétrospective a permis une plongée dans la programmation du Pageant Psy de Lorquin, mettant côte à côte des objets audiovisuels d’époques et de genres variés. Le télescopage des photographs produit une vision giant de ce que peut être la prise en charge de la santé mentale ainsi que la création audiovisuelle en psychiatrie. Une étude plus systématique de l’ensemble du fonds du Pageant Psy, riche et éclectique, permettra de produire une analyse approfondie des pratiques audiovisuelles en psychiatrie depuis plus de 40 ans et viendra sans doute affiner et nuancer ce premier aperçu de cette création foisonnante.

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