Michel Deprez, bibliothécaire antidreyfusard de la Bibliothèque Nationale

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Signature de Michel Deprez, en 1894.b
Signature de Michel Deprez, en 1894.

Sommaire

Un archiviste-paléographe…

Né le 30 septembre 1838 à Sainte-Geneviève-des-Bois (Loiret)1, Michel Deprez fut un élève de l’École des chartes au cours des années 1859-1862.

Sa thèse de l’École des chartes, portant sur Clovis et ses historiens2, fut achevée le three décembre 18623. La Commission de l’École des chartes ou le Conseil de perfectionnement a déclaré& Michel Deprez apte à recevoir le diplôme d’archiviste paléographe le 12 janvier 18634.

« Chronique », Bibliothèque de l'école des chartes, 1863, tome 24, p. 183.
« Chronique », Bibliothèque de l’école des chartes, 1863, tome 24, p. 183. Disponible sur Internet, url : <https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1863_num_24_1_445915>.)

… antidreyfusard

Le nom de Michel Deprez determine parmi les signataires du& « manifeste des chartistes » publié en Une de L’Éclair& du 22 février 1898 :

L’Éclair, 22 février 1898, n° 3375, p. [1].
L’Éclair,& 22 février 1898, n° 3375, p. [1]. https://www.retronews.fr/journal/l-eclair/22-fevrier-1898/2539/4060671/1

Ce manifeste fut publié au moment du& procès intenté contre Émile Zola& ((L’affaire Dreyfus. Le procès Zola devant la cour d’assises de la Seine (7 février-23 février 1898) : compte rendu sténographique “in extenso” et documents annexes, Paris : aux bureaux du “Siècle”, 1898, 2 vol. Disponible sur Internet, url : <https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62779w> (vol. 1) ; Le Procès Zola : 7-23 février 1898 : extraits du compte rendu sténographique des débats / choisis, présentés et commentés par Marcel Thomas, Genève : Éditions Idégraf, 1980-1981, three vol. (877 p.-[4] f. de fac-sim.) ; 21 cm)) et Alexandre Perrenx, le gérant du journal& L’Aurore& — dans lequel Zola avait publié son plaidoyer «& J’accuse…!& » —, par le général& Billot, ministre de la Guerre. Se déroulant du& 7& au& 23 février& 1898, le procès fait intervenir Paul Meyer5 et& Auguste Molinier (1851-1904)6, commis par la défense, auxquels il est reproché& de n’avoir pas travaillé sur les originaux mais sur un fac-similé du bordereau accusant Dreyfus7.&

La « protestation » des archivistes-paléographes fut relayée dans d’autres journaux, par exemple dans Le Moniteur universel du « jeudi [sic] 22 février 1898 » :

Le Moniteur universel, Jeudi [sic] 22 février 1898, n° 52, p. [2].
Le Moniteur universel, Jeudi [sic] 22 février 1898, n° 52, p. [2].

Mais aussi dans Le Journal du mardi 22 février 1898 :

« L'Ecole des chartes », Le Journal, 22 février 1898, n° 1974, p. 3.
« L’Ecole des chartes », Le Journal, 22 février 1898, n° 1974, p. three. Disponible sur Internet, url : <https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7618198p/f3>.

Elle le fut également dans l’Événement du même 22 février 1898, sous le titre « Protestation d’intellectuels »8. La vignette, le « Croquis d’actualité » du dessinateur Henriot9, publiée en Une se réfère au débat entre les chartistes et leurs confrères ayant mené l’expertise contestée, la « bataille des specialists en écriture » rappelée par Bertrand Joly10 :

Maigrot, Henri,  « Croquis d'actualité », L'Événement, 22 février 1898, n° 9464, p. [1].
Maigrot, Henri, « Croquis d’actualité », L’Événement, 22 février 1898, n° 9464, p. [1].

La « protestation des Chartistes » determine aussi dans L’Univers11 :

« Autour des affaires Zola-Dreyfus. Une protestation des Chartistes », L'Univers, 22 février 1898, n° 10985, p. [2].
« Autour des affaires Zola-Dreyfus. Une protestation des Chartistes », L’Univers, 22 février 1898, n° 10985, p. [2].

Elle fut aussi publiée dans La Vérité du 22 février 1898 :

La Vérité, 22 février 1898, n° 1711, p. [1].
La Vérité, 22 février 1898, n° 1711, p. [1].

Dans le journal fondé par Léon Gambetta, La République française,& 22 février 1898 :

La République française, 22 février 1898, n° 1608, p. 2.
La République française,& 22 février 1898, n° 1608, p. 2.

Ou encore dans Le Temps, dirigé par Adrien Hébrard (1833-1914) :

Le Temps, 22 février 1898, n° 13412, p. [2].
Le Temps, 22 février 1898, n° 13412, p. [2].

Et le Journal des débats politiques et littéraires :

Journal des débats politiques et littéraires, 22 février 1898, n° 52, p. 3.
Journal des débats politiques et littéraires, 22 février 1898, n° 52, p. three.

En voulant défendre ce qu’ils estimaient être les pré-requis de l’enseignement de l’École, les signataires se plaçaient dans le camp antidreyfusard du professeur d’archéologie de l’École Robert de Lasteyrie (1849-1921)12.

Bertrand Joly qui a consacré une étude sur L’École des chartes et l’Affaire Dreyfus, mentionne bien Michel Deprez parmi la liste des signataires mais se trompe en mentionnant Eugène Deprez dans son Dictionnaire de chartistes dreyfusards et antidreyfusards13.

Auguste Molinier, témoin, croqué lors de l'audience du procès Dreyfus à Rennes  le 4/09/1899 par Maurice Feuillet (1873-1968). Dessin Inv.
2020.29.001.10, photo © mahj / Niels Forg
Auguste Molinier, témoin, croqué lors de l’audience du procès Dreyfus à Rennes le Four/09/1899 par Maurice Feuillet (1873-1968). Dessin Inv.
2020.29.zero01.10, photograph © mahj / Niels Forg, https://mahj.org/fr/decouvrir-collections-betsalel/auguste-molinier-temoin-29823

Une carrière au département des Manuscrits

Michel Deprez est entré à la Bibliothèque Nationale le 24 mai 186014.

De 1860 à 1863, il effectue des travaux de récolement, recensant 10 000 volumes de manuscrits. Par la suite, sur la volonté de Natalis de Wailly (1805-1886), conservateur des manuscrits de 1854 à 1870, devenu archiviste-paléographe Michel Deprez poursuit de 1863 à 1865 par des travaux de classement et de récolement, toujours de manuscrits, recensant 10 00zero volumes.

En 1865, il est attaché au catalogue des manuscrits français de la collection dite Anciens Fonds. Jusqu’en 1875, il est ainsi chargé d’une partie de la rédaction des notices, de la correction des épreuves à partir de la feuille 17 du premier tome du catalogue, paru en 1868 et comprenant 3130 notices formant 800 p. in-4°. Le second tome, paru en 1874, et comprenant également 800 p., contient 636 notices.

Pendant cette période, Michel Deprez est d’abord nommé surnuméraire puis employé au service du catalogue du département des Manuscrits.

De 1876 à 1880, il est employé au service de la Salle de lecture du département des Manuscrits et continue à s’occuper du catalogue des manuscrits de l’Ancien fonds français, rédigeant seul la copie et corrigeant les épreuves, tout en répondant aux exigences du service public.

En 1881, il est nommé bibliothécaire au département des Manuscrits. Il achève la publication du troisième tome du catalogue des manuscrits de l’Ancien fonds français, 100 p. et comprenant 820 manuscrits décrits (n° 3767-4586).

Il est nommé conservateur-adjoint au département des Manuscrits en 1887 puis conservateur au sein du même département en 1890.

Le Rappel, 24 novembre 1890, 4 frimaire an 99, n° 7563, p. [2].
Le Rappel,& 24 novembre 1890, 4 frimaire an 99, n° 7563, p. [2]. L’info figure également en Une du Le Petit Moniteur universel,& 24 novembre 1890, n° 328.

Cela le conduit à gérer l’envoi à l’atelier de reliure des manuscrits qui se détériorent. Il est aussi en cost du classement des pièces qui arrivent non reliées et sont confiées à des ateliers de reliure extérieurs à la Bibliothèque. En tant que conservateur il a également en charge les acquisitions nouvelles et les dons.

Il achève la publication du quatrième quantity du catalogue des manuscrits de l’Ancien fonds, en analysant les manuscrits français nos 4587-5586. Il en rédige une bonne partie, en revoyant et complétant celles de ses collaborateurs. Il se cost seul de la correction des épreuves envoyées à l’imprimeur Firmin-Didot.

En 1886, sous la path de l’Administrateur-général, il œuvre à l’emménagement des 100 000 volumes du département des Manuscrits dans les nouveaux locaux du département, soit 10 000 environ sur les rayonnages de la nouvelle salle de lecture et 90 000 autres dans les combles. La nouvelle salle de lecture du département, ouverte au public le 18 octobre 188615, se situe désormais au premier étage de l’aile Robert de Cotte de la Bibliothèque.

L’édification de cette aile remonte au 18e& siècle mais de 1880 à 1886, elle fut réaménagée par l’architecte Jean-Louis Pascal (1875-1912)16.

Plans du quart nord-ouest du Quadrilatère Richelieu (1850-1940). Aile Robert de Cotte. 1er étage. 1881-1920 : aménagement de la salle publique de lecture et de la salle de lecture des manuscrits. Sol : parquet
Plans du quart nord-ouest du Quadrilatère Richelieu (1850-1940). Aile Robert de Cotte. 1er étage. 1881-1920 : aménagement de la salle publique de lecture et de la salle de lecture des manuscrits. Sol : parquet, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530440804

Michel Deprez se rejouit de la nouvelle installation :

la salle de lecture est le double en étendue de l’ancienne, si bien qu’on y voit pendant l’hiver, de novembre à mai, de 100 à 150 lecteurs par jour. Le nombre des bulletins de demande est de 25 000 par an, et beaucoup de ces bulletins contiennent l’indication de trois manuscrits. Il a fallu satisfaire à ces nouvelles exigences. Le prêt des manuscrits au dehors a aussi augmenté dans des proportions notables. Il est d’environ 800 par an.

Salle de lecture du département des manuscrits réaménagée par Jean-Louis Pascal, Archives administratives de la BnF, 2007/061/001, pl. 233, © BnF
Salle de lecture du département des manuscrits réaménagée par Jean-Louis Pascal, Archives administratives de la BnF, 2007/061/001, pl. 233, © BnF

Dès 1893, l’appel à candidatures de la Bibliothèque pour le Prix Angrand17, qu’elle gère, est relayé dans la presse. Cinq années avant sa tenue, le texte liste déjà les membres du jury, dont Michel Deprez, qui auront à évaluer les concurrents postulant au prix de 5000 francs.

Le Rappel, 15 mai 1893, n° 8466, p. [2].

En mai 1899, Michel Deprez réceptionne le don des papiers d’Auguste Blanqui (1805-1881)18 effectué par son disciple Ernest Granger (1844-1914)19 fait à la Bibliothèque :

La Petite République socialiste,& 15 mai 1899, n° 8431, p. [2]. Article également publié dans La Lanterne, 15 mai 1899, n° 8058, p. [2].

Selon Léopold Delisle, « la carrière [de Michel Deprez] a été prématurément interrompue en 1899 par une implacable maladie ». Il est remplacé par Henri Osmont (1857-1940).

Le Signal, 29 décembre 1899, n° 1768, p. [2].
Le Signal,& 29 décembre 1899, n° 1768, p. [2]. L’info est également publiée dans Le Figaro, 28 décembre 1899, n° 362, p. 2 parmi d’autres titres comme L’Étendard, Le Petit bleu de Paris, and so forth.

Avant qu’il ne quitte la Bibliothèque pour une retraite prématurée, il prit encore half au commissariat de l’exposition consacrée à Jean Racine& dans la Galerie Mazarine, organisée à l’event du second centenaire de la mort de l’auteur20.

Notice des objets exposés dans la Galerie Mazarine à l'occasion du second centenaire de la mort de Jean Racine : exposition, Paris, Bibliothèque nationale, Galerie Mazarine, avril 1899, Paris : Imprimerie nationale, 1899, 1 vol. (39 p.) ; 20 cm
Discover des objets exposés dans la Galerie Mazarine à l’occasion du second centenaire de la mort de Jean Racine : exposition, Paris, Bibliothèque nationale, Galerie Mazarine, avril 1899, Paris : Imprimerie nationale, 1899, 1 vol. (39 p.) ; 20 cm. Disponible sur Internet, url : <https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65339112>.

Ouverte à partir du vendredi 28 avril 1899, à dix heures, cette exposition racinienne fut organisée par Léopold Delisle, administrateur, assisté des conservateurs Michel Deprez, du récent — depuis 1898 — directeur du Cupboard des Estampes Henri Bouchot (1849-1906) et Ernest& Babelon (1854-1924), directeur adjoint du& Cupboard des médailles& (depuis 1890). « Cette exposition comprenait des livres, des manuscrits, des estampes, des médailles ayant appartenu à Racine ou se rapportant à sa vie et à ses œuvres »21.

Le catalogue des manuscrits français de l’Ancien fonds français, œuvre de sa vie

Le Catalogue des manuscrits français de la Bibliothèque nationale fut l’entreprise qui occupa le plus Michel Deprez au cours de sa carrière au sein du département des Manuscrits. Comprenant 5 volumes, il parut chez Firmin-Didot de 1868 à 190222.

Le dernier quantity parut après le départ contraint par la maladie de Michel Deprez. Ce dernier quitte son poste alors que « le dernier volume par lequel M. Michel Deprez, aujourd’hui conservateur honoraire au département des Mss., vient de couronner son œuvre, est encore sous presse »23.

Catalogue des manuscrits français

Cependant, Michel Deprez ne fut pas l’initiateur du projet ni le seul auteur puisque cette entreprise collective, présidée par Henri-Victor Michelant (1811-1890), mobilisa également Paul Meyer (1840-1917), Camille Couderc (1860-1933) et Lucien Auvray (1860-1937).

Le catalogue recense 6170 manuscrits, répartis dans les cinq volumes : tome premier, n° 1-3130 ; tome deuxième, n° 3131-3766 ; tome troisième, n° 3767-4586 ; tome quatrième, n° 4587-5525 ; tome cinquième, n° 5526-6170.

Dans le rapport qui sert de préface et qui précède le premier tome, Jules Taschereau précise les choix qui furent les siens concernant ce catalogue, indiquant avec quelque dépit avoir « à renoncer pour l’ancien fonds à nos préférences naturelles, et à la maintenir à half dans sa distribution séculaire ». Pour ce fonds, J. Taschereau renonçait donc à créer un catalogue systématique, sa « préférence naturelle » qu’il mit en œuvre notamment pour les imprimés24 et préférait maintenir le classement préexistant. Cependant, J. Taschereau ne manque pas de critiquer ce classement qu’il se voit contraint de maintenir :

Parmi ces faits et ces considérations doit figurer tout d’abord précisément l’ancienneté de cette distribution, fort peu irréprochable sans doute, mais familière à un grand nombre de savants aux études constantes desquels cet ancien fonds sert depuis longtemps, familière aussi aux employés chargés de satisfaire journellement à leurs demandes.
J’ajouterai ensuite que, d’une part, cette distribution, que je viens de déclarer défectueuse, offre cependant encore quelques traces d’un association méthodique, et, de l’autre, qu’il est bien absolument unattainable, avec les volumes manuscrits, tels qu’un nombre considérable d’entre eux sont composés dans toutes les bibliothèques du monde, d’arriver à un classement complètement satisfaisant.

Catalogue des manuscrits français : ancien fonds, T. I, Paris : Firmin-Didot frères, fils, 1868, p. VII.

Par ailleurs, il revient sur les auteurs du catalogue :

Les notices sont l’œuvre de M. Michelant, bibliothécaire, secondé par de jeunes archivistes paléographes25. C’est ce savant modeste et laborieux qui, en même temps qu’il cataloguait toute la partie réellement française de l’ancien fonds français, en a extrait tous les manuscrits en langues modernes d’Europe, et, en les réunissant à leurs similaires des autres collections, a constitué à ce Département un fonds italien, comptant déjà 1,538 numéros; — un fonds espagnol, 394; — allemand, 242; — hollandais-flamand, 91; — portugais, 68; — celtique, 65; — anglais, 63; — Scandinave, 26.

Catalogue des manuscrits français : ancien fonds, T. I, Paris : Firmin-Didot frères, fils, 1868, p. VIII.

L’avancement du catalogue fait l’objet de mentions jusqu’au Journal officiel de la République française, par exemple le 1er mars 1876. Ainsi, après avoir indiqué que le choix avait été fait de publier les catalogues des manuscrits :

Journal officiel de la République française, 1er mars 1876, n° 60, p. 1467.
Journal officiel de la République française,& 1er mars 1876, n° 60, p. 1467.

le journal décrit l’état d’avancement des travaux de Victor Michelant et Michel Deprez :

Journal officiel de la République française, 1er mars 1876, n° 60, p. 1467.
Journal officiel de la République française,& 1er mars 1876, n° 60, p. 1467.

Au moment où paraît le dernier volume du catalogue, la Bibliothèque n’est plus Impériale mais Nationale et c’est le nouvel administrateur, Léopold Delisle qui en assure la préface en forme d’historique des catalogues de la bibliothèque.

Il revient notamment sur la manufacturing du catalogue et ses auteurs dont : « un savant, très versé dans la connaissance des littératures du moyen âge, Henri Michelant, [qui] fut chargé de rédiger, d’après un plan dont il ne doit pas être rendu responsable, les notices de la première partie du Catalogue des manuscrits français ». Nous l’avons dit, la suite fut prise en charge par Michel Deprez. Léopold Delisle précise la généalogie de l’ouvrage et la part prise par ses différents rédacteurs, dans un long paragraphe qui tient presque de la notice nécrologique26 :

De notables améliorations s’introduisirent peu à peu dans ce travail, et les notices ne tardèrent pas à prendre une ampleur plus en rapport avec l’intérêt des manuscrits et répondant plus complètement aux exigences de la critique. On finit par donner des renseignements sur l’origine, l’histoire et l’état matériel des manuscrits, avec des renvois aux livres dans lesquels il en avait été fait utilization.
La collaboration de M. Paul Meyer, récemment sorti de l’École des chartes, quoiqu’elle ait été de courte durée, exerça une heureuse influence : nous lui devons la révision et même la rédaction de plusieurs des plus difficiles et des plus importantes notices du premier volume.
M. Paul Meyer ne tarda pas à être remplacé par un jeune archiviste-paléographe, M. Michel Deprez, que Natalis de Wailly avait choisi en 1863 pour l’aider dans ses récolements du fonds français. Ce travailleur consciencieux, aussi modeste que savant, dont la carrière a été prématurément interrompue en 1899 par une implacable maladie, a été pendant près de quarante ans le plus assidu, le plus dévoué, le plus désintéressé serviteur de la Bibliothèque ; il n’a vécu que pour elle, il lui a donné tout son temps, toute son activité, tout son savoir. Arrivé à la tête du Département des manuscrits, après avoir lentement passé par tous les degrés de la hiérarchie, il n’avait rien tant à cœur que de faire profiter le public de sa parfaite connaissance de tous les détails du dépôt confié à ses soins. D’une excessive bienveillance pour tous ses collaborateurs, il se réservait toujours les besognes les plus ingrates. L’obligeance avec laquelle il accueillait quiconque venait travailler au Département des manuscrits restera légendaire : jamais importun n’altéra la sérénité de son humeur. A voir remark son temps était absorbé pendant les heures d’ouverture de la Bibliothèque, on ne pouvait guère se douter qu’en dehors de ces séances fatigantes, il travaillait avec acharnement, non qu’il fût le moins du monde accessible à un sentiment d’ambition littéraire, mais uniquement parce qu’il voulait mieux se préparer à remplir ses fonctions, et surtout parce qu’il avait hâte de terminer le Catalogue auquel il travaillait depuis sa jeunesse et dont la cost pesait à peu près tout entière sur lui depuis bien longtemps. Plus il avançait, plus il multipliait ses soins, et plus il s’attachait à dépouiller avec la plus minutieuse exactitude, et jusque dans les moindres détails, les recueils de pièces historiques qu’il rencontrait sur sa route. Il ne lui restait plus qu’un millier de notices à rédiger définitivement pour avoir accompli sa tâche, quand il s’adjoignit deux de ses collaborateurs, MM. Couderc et Auvray, pour l’aider dans ce travail; mais bientôt la maladie lui fit tomber la plume des mains et le décida à résigner les fonctions qu’il avait remplies avec le plus exemplaire dévouement et dont le Département des manuscrits conservera un impérissable memento.
M. Couderc et M. Auvray se sont courageusement mis à l’œuvre pour terminer le Catalogue avec le développement et l’exactitude dont leur ancien chef leur avait donné l’exemple. Ils nous ont mis à même de faire paraître la dernière partie d’un catalogue impatiemment attendu.

Delisle, Léopold, « Préface », dans : Catalogue des manuscrits français : ancien fonds, tome cinquième, Paris : Firmin-Didot et Cie, 1902, p. XXXI-XXXII. Disponible sur Web, url : <https://archive.org/details/p1cataloguegnr05bibluoft/page/xxxi/mode/1up>.

Alors que ce dernier volume est encore sous presse, l’œuvre de Michel Deprez est déjà saluée dans la presse, par exemple dans L’Univers qui mentionne l’article d’Henri Chérot et salue « l’œil exercé des rédacteurs de l’wonderful catalogue des Manuscrits français, ancien fonds, auquel M. Michel Deprez, après avoir travaillé tant d’années avec un zèle égal à son savoir, vient de mettre la dernière most important »27.

Quand Léopold Delisle fait paraître L’Inventaire général et méthodique des manuscrits français de la Bibliothèque nationale28, Marius Sepet, dans la Revue des questions historiques indique qu’il s’agit :

[d’]une œuvre toute personnelle, laquelle ne doit nuire en rien au catalogue plus détaillé que poursuit le savant conservateur du département des manuscrits, M. Henri Michelant, assisté d’un érudit d’autant de mérite que de modestie, M. Michel Deprez.&

Sepet, Marius, « Chronique », Revue des questions historiques, 1877, t. 21, p. 296. Disponible sur Web, url : <https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k169394/f296>.

Dans l’introduction de son Inventaire, Léopold Delisle lui-même affirme ne pas vouloir faire concurrence à l’œuvre de Michel Deprez :

Mais, sans porter la moindre atteinte à une œuvre aussi utile que celle dont M. Michelant, secondé par M. Deprez, à la course depuis bientôt vingt ans, il m’a semblé que le public tirerait quelque profit d’un inventaire abrégé, dépouillé de tout appareil scientifique et analogue aux inventaires qui ont été imprimés pour la seconde partie du fonds latin.

Delisle, Léopold (1826-1910), « Introduction », dans : Inventaire général et méthodique des manuscrits français de la Bibliothèque nationale, Paris : H. Champion, 1876, vol. 1, p. IV. Disponible sur Web, url : <https://archive.org/details/inventairegnral02deligoog/page/n16>.

Au service des chercheurs

Pendant son activité, Michel Deprez fait l’objet de demandes de renseignements et d’expertise de la half de chercheurs, qui ont laissé des traces dans l’historiographie. Ainsi, en 1873, l’abbé François Arbellot (1816-1900) le sollicite pour son Étude historique et littéraire sur Adémar de Chabannes29. Michel Deprez fut chargé de rechercher le nom d’Adémar dans le corps du manuscrit Latin 2469 de la Bibliothèque30.

En 1874 il contribue à l’édition du roman de Berthe aux grands pieds& publiée par Auguste Scheler (1819-1890) qui mentionne son travail dans sa préface :

La transcription, par des raisons indépendantes de notre volonté, n’a pas été opérée sur l’unique même, mais sur la copie exécutée, au siècle dernier, par Mouchet et conservée à la Bibliothèque Nationale ; mais le transcripteur, M. Deprez, a eu soin de vérifier sa copie, avant de nous la remettre, sur le manuscrit de l’Arsenal et de corriger les quelques écarts dont Mouchet s’était rendu coupable.&

Adenet le Roi (1240?-1300?)& ; Scheler, Auguste (1819-1890) (éd.), Li Roumans de Berte aus grans piés, Bruxelles : M. Closson, 1874, p. IX. Disponible sur Web, url : <https://archive.org/details/liroumansdeberte00bert/page/n9/mode/2up> ou <https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k298405w/f9.item>.

En 1875, dans son compte rendu paru après la parution de l’ouvrage, Marius Sepet (1845-1925), archiviste-paléographe et collègue de M. Deprez à la Bibliothèque, revient sur la vérification par son collègue de la copie faite par Mouchet31.

Entre 1878 et 1880, Michel Deprez a correspondu avec Alfred Morel-Fatio& (1850-1924)32.&

En 1879, il est sollicité par Armand Baschet (1829-1886), comme il en est rendu compte dans le journal Le Temps :

Deschamps, Gaston, « Au pays de Richelieu », Le Temps, 18 octobre 1896, n° 12923, p. [2].
Deschamps, Gaston, « Au pays de Richelieu », Le Temps, 18 octobre 1896, n° 12923, p. [2]. Disponible sur Internet, url : <https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2350163/f2>.

Quand Marcellin Berthelot (1827-1907) fait paraître ses trois volumes sur La chimie au moyen âge33, il ne manque pas de remercier Michel Deprez : « Je dois remercier ici M. Michel Deprez, conservateur des manuscrits à la Bibliothèque nationale, qui a bien voulu réviser soigneusement la copie sur le manuscrit. »34 et d’y faire référence à plusieurs reprises.

En 1897, M. Deprez est sollicité par l’abbé Mioche pour examiner le manuscrit Latin 908535 comme en rend compte le Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne36. Il était invité à y chercher des mentions des saints Donat, Sabin et Agape.

En 1906, Michel Deprez est cité par Marcellin Berthelot (1827-1907) qui relate avoir consulté les manuscrits latins alchimiques de la Bibliothèque Nationale, notamment le Latin 7156 Read more

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